Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Ciné-Club des Esthètes de la Rue Truffaut
22 juin 2016

Séance 3 - Lawrence of Arabia

vlcsnap-2016-06-23-01h15m31s311

"Before I go off and direct a movie I always look at 4 films.

They tend to be: Seven Samurai, Lawrence of Arabia, It’s a Wonderful Life and The Searchers."

- Steven Spielberg

De cette citation de Steven Spielberg, il est amusant de constater qu'il s'agit de quatre films de cinéastes de l'image-action, quatre grands représentants de l'esthétique classique du septième art. John Ford, David Lean, Akira Kurosawa, et Frank Capra sont tous les quatre remarquables pour l'épure de leur mise en scène, avec un usage de plans longs, en longue focale, laissant vivre l'action à l'intérieur du plan. 

D'où l'idée que Spielberg est profondément marqué par ce cinéma là, et ne cherche qu'une chose : faire vibrer ses spectateurs et les épater, au sein d'un style simple, et efficace.

Bien sûr, Spielberg cite aussi Kubrick très souvent. Mais on retrouve du réalisateur de 2001 le perfectionnement technique et visuel chez Spielbergmais pas du tout la conception du cinéma. De même pour Hitchcock, dont on retrouve des traces de The Birds dans JawsSpielberg hérite aussi de la place de maître du divertissement grand public qu'avait Hitchcock. On retrouve aussi ces traits de génie visuels qu'avaient Hitchcock, par exemple plan d'un meurtre dans des verres de lunettes pour Hitchcock dans Strangers in the train et plan d'un T-Rex dans un rétroviseur dans Jurassic Park chez Spielberg. Mais chez Hitchcock, c'est toujours pour jouer avec notre statut de voyeur, et révéler en profondeur un monde où tout n'est que mise en scène, à tous les niveaux du récit et de la mise en scène. Chez Spielberg, ce même "genre" de plan a pour but un effet 3D, comme si le T-Rex pouvait franchir l'écran et nous attaquer. C'est bien que Spielberg est dans un rapport plus classique au cinéma, où il cherche à faire vivre au premier degré les aventures des personnages.

hitch 

hitch2

Nous pouvons donc lister ces cinéastes chez qui Spielberg puise des recettes, pour les remettre au goût du jour et au goût de ses sujets personnels bien sûr : David Lean et John Ford avant tout, Frank Capra, Akira Kurosawa (dont Dreams est produit par Spielberg et Lucas), des grands faiseurs touche-à-tout de l'Hollywood des années 50 comme Michael Curtiz, George Stevens, Victor Fleming (dont A guy named Joe a pour remake Always de Spielberg, et dont Captain Courageous fait partie du "top 10" personnel de Spielberg), Richard Fleischer et son adaptation de Jules Verne produite par Disney 20 000 lieues sous les mers

L'autre grande influence est Walt Disney, tant d'un point de vue de carrière que thématique. Peter Pan a influence globale sur Spielberg, et même particulière puisqu'il a donné sa version du conte avec HookPinocchio est encore plus prégnant chez Spielberg, et notamment dans A.I. Disney, à travers le dessin animé, est aussi un grand cinéaste classique. Pour Gilles Deleuze, le cinéma d'animation peut s'étudier d'un point de vue philosophique comme le reste du cinéma, puisqu'il joue sur le même lien sensori-moteur du spectateur avec ce qui est projeté sur l'écran. Disney serait probablement un pape du classicisme du dessin animé, cherchant le réalisme des actions, et un grand conteur sachant réunir tous les publics (sauf peut-être dans Fantasia où il est plus expérimental).

peter-pan photo-pinocchio-6 

peter pan elliott_and_et_in_front_of_the_moon pinocchio 461-30

Enfin, Spielberg a également été influencé par de nombreux serials, films de séries B et films d'aventures dont ceux sur lesquels Ray Harryhausen a travaillé aux effets spéciaux : 20 Million Miles to Earth, Jason and the Argonauts, Mysterious Island...

La saga James Bond est également à l'origine d'Indiana Jones, puisque c'est de la frustration de n'avoir pu réaliser un épisode de la saga 007 qu'est né le personnage d'Indiana Jones entre les mains de George Lucas et Steven Spielberg. 

Avec la saga des Indiana Jones, Spielberg et Lucas jouent le jeu des clins d'oeils cinéphiles, notamment Lawrence d'Arabie, Gunga Din de George Stevens et Casablanca de Michael Curtiz. Ces emprunts sont listés et détaillés sur cette page : http://www.theraider.net/information/influences/inspirations.php 

Lawrence d'Arabie

Concernant David Lean et Lawrence d'Arabie c'est d'une part l'immense perfectionnisme du réalisateur qui a marqué Spielberg. Comme il le dit lui-même, des petits détails comme "des chameaux dans un plan large, qui laissent des traces au sol" : combien de temps a-t-il fallu pour que les traces s'effacent, et pouvoir tourner la prise 2, la prise 5 ? 

Il a fallu effectivement plus d'un an à David Lean pour tourner son film, de mai 1960 à octobre 1961.

Jacques Lourcelles écrit dans son Dictionnaire du cinéma : "Formellement, David Lean, par un usage méthodique et réfléchi du 70 mm, s'efforce de créer un nouveau réalisme spectaculaire. Il voulut son film si sobre et si grandiose qu'il atteindrait - sans effort - une dimension cosmique. Il le rêva si dénué de trucs et d'effets de montage, si lisse, que le spectateur aurait l'impression d'avoir devant lui une vision globale et presque impersonnelle des expériences de Lawrence. (...) Comme John Ford, David Lean tourne peu de plans, peu de prises, et laisse peu d'initiative au monteur."

Steven Spielberg créera lui aussi un "nouveau réalisme spectaculaire" en rénovant le film de monstre avec Jaws en 1975, au cours d'un épique tournage, privilégiant le réalisme au maximum : vrai bateau, vrai océan, plutôt que les vieilles transparences hollywoodiennes ou les mers de studio.

La maîtrise de son destin

Le film questionne magnifiquement la question du destin et de la légende. Face aux croyances de ses troupes, qui pense que la mort de Gasim est inévitable, que "c'était écrit", Lawrence répond que "rien n'est écrit" et part sauver Gasim dans le désert. Plus tard, Gasim s'avère être un traître, et doit être exécuté. Lawrence s'en charge. Finalement, "c'était écrit"... 

Cette question du destin se lie souvent magnifiquement au cinéma classique de l'image-action. Chez Kurosawa, c'est une apparition qui prédit le destin aux deux personnages amis dans Le Château de l'araignée : vous gagnerez du pouvoir, mais au final vous deviendrez ennemi. Comment éviter ce destin ? Les personnages entrent en action face à ce destin, mais n'est-ce pas finalement en agissant contre ce destin qu'ils le provoquent ?

Chez Spielberg, on retrouvera cette thématique au coeur de l'un de ses films, Minority Report. Son autre film avec Tom Cruise, War of the worlds, questionne aussi le pouvoir de l'action, puisque si les personnages se battent contre les envahisseurs, c'est "le destin" (la planète) qui achève les créatures extraterrestres biologiquement.

L'autre grande question de Lawrence d'Arabie est celle de la légende. Comme l'a remarqué Alexander lors de notre ciné-club, dès lors que Lawrence revêt la robe des Arabes, après être revenu de son premier triomphe le sauvetage de Gasim, il endosse un rôle légendaire. Et ce rôle va lui coller à la peau, jusqu'au dégoût. Lawrence veut redevenir un homme "comme les autres". Comme lui dit son supérieur militaire, "Peu de personnes ont une destinée. C'est terrible de se dégonfler si on en a une". Que se passe-t-il si le héros du film ne souhaite plus être le héros ? Et bien, c'est la communauté qui le pousse à continuer de l'être. Dans la dernière partie du film, Lawrence mène une bataille à contre-coeur, ce qui le mène sur les rives de la folie. 

lawrence_clothes

Autre grand classique qui questionne la légende et sa réalité moins glorieuse, L'homme qui tua Liberty Valance de John Ford, sorti la même année en 1962.

Encore une fois, l'on peut citer Jacques Lourcelles : "le cas de Lawrence donne à David Lean l'occasion de réfléchir sur le degré de maîtrise qu'un homme exceptionnel peut avoir sur son destin et de mesurer la part d'échec, de déception et de renoncement que contient tout destinée humaine, fût-elle la plus extraordinaire. (...) Et le film dessine finalement un portrait tout à fait satisfaisant de Lawrence en héros typique du XXème siècle : un héros ambigu qui n'est jamais plus lui-même, ni plus héroïque, que lorsqu'il reste impénétrable. Eternel déraciné moral, il voulut tenter l'impossible et chercha à prendre entièrement en main son destin au point de se créer une seconde identité."

Nicolas le 23/06/2016, Merci à nos spectateurs du jour ! Pauline, Vivien, Gianlorenzo, Théo et Alexander

Publicité
Publicité
Commentaires
Ciné-Club des Esthètes de la Rue Truffaut
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Publicité