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Ciné-Club des Esthètes de la Rue Truffaut
28 septembre 2016

Séance 11 - "Les 7 Samouraïs"

En revoyant Les 7 Samouraïs, deux marques du style visuel d'Akira Kurosawa apparaissent nettement. C'est, d'une part, la mise en scène du mouvement, et notamment l'utilisation de la longue focale pour accentuer le défilement du paysage et la rapidité des courses lors de scènes d'action. Ces scènes font s'alterner des mouvements panoramiques horizontaux.

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D'autre part, pour les scènes plus "statiques", plus paisibles, Kurosawa joue au contraire avec la verticalité, et découpe son image en deux par le centre. Ces images concrétisent souvent la frontière entre milieux sociaux, entre clans.

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Le film débute sur une image du village (en haut du cadre), et des bandits qui souhaitent l'attaquer (en bas du cadre).

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Plus tard, ce sont les samouraïs qui sont en haut du cadre, les villageois en bas.

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Lors de la première scène d'enterrement, les villageois sont sur la pente de la colline, et, en haut, séparés par la ligne d'horizon, les samouraïs.

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Finalement, l'une des dernières images du film montre les samouraïs en bas de l'image, et les samouraïs morts en haut. Comme si les samouraïs ne pouvaient être "dépassés" que par l'esprit légendaire d'autres samouraïs, morts au combat.

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Dans ce dernier plan, les milieux viennent à se mélanger, quand surgissent des villageoises sur le même plan du bas que les samouraïs. En effet, le plus jeune des samouraïs, Katsushiro, s'est enamouré d'une villageoise. Il disparaît du cadre avec elles, les suivant vers la rizière.

Cette composition visuelle fréquente vient marquer l'étude de milieux, moteur de l'oeuvre de Kurosawa. On trouve, dans chacun de ses films, des clans identifiés, des groupes sociaux qui s'affrontent ou se côtoient, par exemple riches et pauvres, gangsters et politiciens, dans ses films contemporains. Dans Les 7 samouraïs, un groupe, celui des samouraïs, pénètre un autre groupe, celui des paysans, pour en combattre un troisième : les bandits.

Selon Gilles Deleuze dans L'image-mouvement, le cinéma d’Akira Kurosawa s’inscrit dans une forme SA (Situation-Action) très pure : le héros doit agir, et pour cela, il cherche à connaître toutes les données avant d’agir. Nombre de films d'Akira Kurosawa présentent donc une longue exposition dans leur première partie, et une action intense dans la seconde (Deleuze cite par exemple Chien Enragé, Entre le ciel et l’enfer).

Cette alternance entre action et exploration de la situation, donne aux films de Kurosawa des alternances de tonalités qui rappelle celle de Shakespeare. On passe de scènes grotesques, d'humour et de ridicule, à des scènes pathétiques, d'effroi, d'horreur...

Dans Les 7 samouraïs, les samouraïs se renseignent sur les données physiques du village, mais aussi les données psychologiques des habitants. Car il y a une question plus haute à dégager : qu’est-ce qu’être samouraï aujourd’hui ? La réponse : des ombres, ils n’ont plus leur place, ni chez les maîtres, ni chez les pauvres. Être samouraï n’est plus reconnu. Ce n’est donc plus un apparat, un costume (les costumes de samouraïs visibles dans le film ont été volés par les villageois). Samouraï est un état d'esprit, une exigence de vie. C'est l'apprentissage du "faux" samouraï, le septième du groupe, Kikuchiyo. Ridicule et rejeté dans ses premières scènes, il devient progressivement un membre du groupe. S'il fait des erreurs jusque dans les dernières scènes du film (il quitte son poste), il devient définitivement samouraï en mourant au combat, tuant le chef des bandits et sauvant dès lors la communauté paysanne.

Pour Deleuze, le cinéma de Kurosawa s'inscrit donc dans la continuité du classicisme américain, celle de Griffith et de John Ford, que Kurosawa admirait. On y trouve des clans qui s’affrontent, riches et les pauvres, par exemple, comme chez Griffith. Chez Kurosawa aussi, l'exposition d'une situation précède une entrée en action. Mais Deleuze identifie le questionnement caché dans l'exposition comme la touche personnelle de Kurosawa, due à sa personnalité propre, à son amour de Dostoievski, et peut-être aussi à sa nationalité Japonaise. Dans l’exposition, il n’y a pas que des données, mais bien aussi une question, cachée sous la situation. Le héros doit dégager la question pour y répondre et agir. En cela Kurosawa est vraiment très proche de Dostoïevski, qu'il adorait, et qu'il a adapté (L'idiot). Comme chez Dostoievski, malgré l'urgence de la situation, le héros prend son temps, pour chercher la question cachée et plus pressante encore. Deleuze voit donc en Kurosawa un métaphysicien – bien que s’inscrivant dans une forme classique, il l’élève par sa métaphysique personnelle.

Nicolas le 27/09/2016, merci à Marc !

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