Séance 13 - "Dersou Ouzala"

Par la confrontation de l'homme à la nature, Dersou Ouzalaatteint à une épure classique qui rappelle les premiers classiques américains, le documentaire Nanouk l'esquimau de Robert Flaherty ou la scène finale de A travers l'orage de David W. Griffith. A cette confrontation de l'homme à la Taïga, Kurosawa superpose l'histoire d'une rencontre, menant à une amitié masculine indéfectible. Deux hommes que tout pourrait opposer (culturellement) se retrouvent les meilleurs amis du monde, dans leur confrontation à la nature - amitié scellée dans la grande scène centrale de la tempête glaciale sur la banquise. Une amitié fondée sur l’opposition entre raison (Arseniev) et croyance (Dersou). Comme l'analyse Charles Tesson dans son livre consacré à Kurosawa, cette amitié n’aboutit à aucun scénario de complétude : ils font un bout de chemin ensemble, mais aucun des deux ne transforme l’autre, ne le convertit à sa voie.

Way Down East, 1920, David W. Griffith / Nanook of the North, 1922, Robert Flaherty

Dersou Ouzala présente de nombreuses péripéties, en reprenant la figure typiquement obsessionnelle de Kurosawa : celle de la marche à travers la forêt (les marches de Qui marche sur la queue du tigre..., Les 7 Samouraïs, La forteresse cachée...). Cette marche est parsemée de rencontres, de duels, d'affrontements et d'aventures diverses. Ces moments d'action sont contrebalancés par des moments de rêverie, donnant au film un fort aspect contemplatif. Comme Gilles Deleuze l'écrit à propos des films de Kurosawa (dans Image-Mouvement), l'action n'est que la réponse finale à une question métaphysique et secrète, cachée dans la situation initiale. Etant parti dans la Taïga pour cartographier la région d'Oussouri, Vladimir va finalement découvrir une question plus grande grâce à sa rencontre avec Dersou : quels sont les secrets que la nature peut réveler à l'Homme ? Dersou s'est imprégné de ce milieu, la Taïga, pour en connaître tous les secrets. Il y parvient jusqu'à ce que sa vue baisse, ne pouvant alors plus entendre la question que la forêt pose aux hommes, comme l'écrit Gilles Deleuze à propos du film (Image-Mouvement).

Nicolas le 20/10/2016, merci à Marc !