Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Ciné-Club des Esthètes de la Rue Truffaut
14 septembre 2017

Séance 35 - L'heure du loup

Source: Externe

L'île des morts, 1880-1886, Arnold Böcklin

Source: Externe

Film très énigmatique, aux motifs fantastiques (l'île des morts, le château hanté, le dédoublement...), L'heure du loup est aussi un film très autobiographique pour Bergman, qui le commence sous le titre des "Cannibales" avant d'arrêter pour cause de pneumonie. Après son passage à l'hopital, il écrit Persona, film sur la rémission, pour reprendre finalement "Cannibale" après, sous le titre de "L'heure du loup".

Pour apporter de la distance à ce film trop personnel, Bergman tourne des séquence de mise en abyme, avec récit du personnage d'Alma en regard-caméra, mais aussi des interactions avec l'équipe, des séquences de coulisses, dont il ne garde finalement que le son de l'équipe technique au générique de début.

La mise en abyme chez Bergman vient déréaliser le monde, le rendre plus artificiel, pour mieux permettre aux fantasmes et aux sentiments des personnages de "remplir" l'écran, comme une peinture. Ainsi, le souvenir/rêve du petit garçon prend les allures d'une toile blanche, surexposée et sur-contrastée.

vlcsnap-2017-09-14-16h14m37s077

Si l'on devait trouver un fil rouge à L'heure du loup malgré son aspect très surréaliste, cela pourrait être l'histoire d'Alma, cherchant à pénétrer les songes de son mari artiste torturé. Tout au long du film, Alma espère "devenir comme lui", par l'amour, s'en "approcher". C'est le motif récurrent des visages collés, des deux visages qui ne font qu'un, chez Bergman.

Ainsi, Alma écoute la description des personnages qui peuplent les fantasmes de son mari dans l'une des premières séquences : la vieille femme au chapeau, l'homme-oiseau, l'homme-araignée... Dans l'une des scènes qui suit, alors qu'ils semblaient seuls sur l'île, l'un de ces personnages apparaît à Alma. C'est la vieille femme au chapeau, qui incite Alma à regarder le journal intime de son mari sous le lit. La première scène "rêvée" du film appartiendrait donc à Alma, mais il pourrait s'agir d'un rêve éveillé provoqué par le récit des délires de son mari la veille au soir (Alma pourrait avoir connaissance de la cachette du journal intime de son mari). A partir de la lecture de ce journal, Alma a accès à toutes les rêveries de son époux, et le film devient alors un songe partagé, dans lequel Alma tente de démêler les hantises de Johan.

Les spectres de l'île pourraient incarner les différents traumas et peurs de Johan, issus notamment de son enfance - le "professeur à la baguette" mentionné au début, et surtout le récit douloureux du souvenir d'avoir été battu par son père. La peur de l'homosexualité (peut-être de sa propre homosexualité) s'incarne également avec l'homme aux lunettes, et le maquillage féminin dont Johan est recouvert à la fin du film.

vlcsnap-2017-09-14-16h12m26s763 vlcsnap-2017-09-14-16h39m18s157

Enfin, ce groupe de "spectres" évoque également le public lui-même, souvent sollicité ou "regardé" frontalement au cours du film. A la fin, lorsque Johan s'apprête à faire l'amour avec Veronica, il lève les yeux vers nous/vers la caméra. Veronica dit "ne les regarde pas". Le contre-champ montre les habitants du château s'esclaffer en regardant cette scène intime. Ultime hantise de l'artiste Bergman, être disséqué par des spectateurs et critiques. La peur de livrer son intimité au grand public à travers ses oeuvres.

Le surréalisme, Bergman l'avait déjà abordé dans Les fraises sauvages aux travers des séquences de rêves du vieil homme, avant de l'abandonner plutôt dans les films suivants. Persona et L'heure du loup sont deux films à nouveaux très surréalistes et expérimentaux.

vlcsnap-2017-09-14-16h11m51s432

Source: Externe

Ces deux oeuvres, peut-être les plus oniriques de Bergman, ont pu influencer David Lynch. Persona et Mulholland drive entretiennent plusieurs liens, mais L'heure du loup réapparaît dans Twin Peaks et Fire Walk With Me, avec la vieille Mrs Tremond et le journal intime. Lost Highway reprend les délires d'un artiste torturé ayant potentiellement commis un crime conjugal, et se cachant sous un masque - dans L'heure du loup, après avoir tiré sur sa femme, Johan se retrouve maquillé et l'un des fantômes lui dit "vous êtes vous et en même temps pas vous". Le Baron évoque le Mystery Man de Lost Highway par son allure inquiétante, visage blanchâtre sur costume entièrement noir.

vlcsnap-2017-09-14-16h18m00s859 vlcsnap-2017-09-14-16h20m20s066

Source: Externe Source: Externe

Nicolas le 14/9/2017, merci à Gianlo et Alexander !

Publicité
Publicité
Commentaires
Ciné-Club des Esthètes de la Rue Truffaut
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Publicité